Le jeu du L, la stratégie des translations, symétries et rotations

Topologie et raisonnement

Nécessitant peu de matériel : deux pions, deux jetons en forme de  “L” de couleurs différentes, un damier 4×4, et ayant des règles très simples, le jeu du L est pédagogiquement très intéressant car il permet de développer la représentation spatiale des objets. C’est une application ludique des notions de translation, symétrie et rotation.

La règle du jeu du L

Deux joueurs s’opposent à tour de rôle. Un joueur possède le L rouge, l’autre le L bleu. Les deux autres pions sont neutres, c’est à dire qu’ils appartiennent aux deux joueurs. Au départ, la grille se trouve dans la situation suivante :

On peut tirer au sort qui commence. Le joueur qui a la main doit d’abord déplacer son L sur un emplacement libre de la grille. Pour cela, il peut utiliser toutes les combinaisons des transformations suivantes :

  • translation : un déplacement linéaire d’un emplacement à l’autre
  • rotation de 90°, 180° ou 270°
  • symétrie : inversion gauche/droite, haut/bas, ou les deux.

Sur Actilud, le joueur utilise les boutons de la barre d’outils pour effectuer les transformations.

Le joueur a perdu s’il est impossible de déplacer son L vers une nouvelle position.

Une fois son L placé sur une nouvelle position, le joueur peut, s’il le désire, déplacer un des deux pions sur la case vide de son choix.

Sur Actilud, le joueur peut déplacer un des deux pions verts vers une nouvelle case vide, ou cliquer sur l’un des deux pions sans le déplacer pour indiquer la fin de son tour.

L’objectif du jeu est donc de positionner les pièces de manière à bloquer son adversaire.

La stratégie

Il existe exactement 15 positions gagnantes nonobstant les rotations et symétries. Cet article sur Wikipédia vous donnera toutes les indications. Voici ces 15 positions, reproduites à partir de l’article de Wikipédia.

Les positions gagnantes (bleu gagne) – source Wikipédia

Si on observe bien le L bleu, on constate qu’à aucun moment il ne touche l’un des coins. La stratégie gagnante consiste donc à éviter de placer son L sur les coins. Si on arrive à reproduire une de ces 15 figures (ou leur symétrique/rotation), on a gagné. Comme il existe des positions gagnantes, il y a aussi des positions perdantes à éviter ! Je vous renvoie pour cela sur l’article de Wikipédia. Bien sûr, toutes les positions perdantes utilisent un des coins de la grille.

Il existe donc une stratégie qui, bien qu’elle ne permette pas de gagner à coup sûr, permet d’éviter de perdre. Deux joueurs “parfaits” sont donc assurés de jouer éternellement !

Joueur contre joueur

C’est sans doute la façon la plus ludique d’aborder ce jeu, car il y entre la dimension humaine ! Un peu de camaraderie et d’esprit de compétition améliorent toujours les résultats. De plus, il est souvent plus facile, si on gère une classe, de placer deux élèves devant une machine. C’est le fonctionnement que je préconise pour introduire ce jeu.

Par ailleurs, comme je le signale à la fin de l’article, on peut aussi fabriquer le jeu et l’utiliser en classe sans aucun support informatique. Par la suite, une fois que les élèves ont bien intégré les règles, on peut leur présenter la stratégie gagnante qui consiste à éviter les coins, et les faire jouer individuellement contre l’ordinateur, afin d’améliorer leurs performances.

Joueur contre machine : l’algorithme utilisé sur Actilud

L’algorithme sur Actilud est tout à fait capable de ne jamais perdre. J’y ai soigneusement programmé toutes les situations gagnantes et perdantes et ça marche ! Mais qui voudrait lutter contre une machine incapable de perdre ? Aussi y a-t-il 5 niveaux de difficulté, qui tous peuvent perdre.

Le niveau bon perdant

Le niveau bon perdant est sans doute le mieux adapté aux élèves qui débutent et à ceux qui rechignent à l’effort (quoique…) Dans ce niveau, pour le joueur, il va être très difficile de perdre, car l’algorithme évite soigneusement de jouer les 15 situations gagnantes… et joue au hasard parmi les combinaisons restantes. Mais attention, l’ordinateur peut encore gagner si le joueur est placé dans une des 14 positions perdantes !

En conséquence, les parties peuvent donc durer longtemps, surtout si le joueur joue aussi mal que l’ordinateur.

L’objectif ici est d’amener les élèves à anticiper les coups de l’adversaire, en leur offrant en retour de bonnes chances de gagner s’ils s’appliquent. Si à ce niveau, ils essayent de ne pas utiliser les coins, ils devraient gagner tôt ou tard !

Le niveau bon camarade

Dans ce niveau, l’ordinateur joue toujours mal; comme dans le niveau précédent, il tire au hasard une combinaison dans la liste des coups possibles tout en éliminant les situations gagnantes 3 fois sur 4. Cela donne donc au final une faible probabilité de gain, mais l’ordinateur reste encore bien distrait.

L’objectif est le même que dans le niveau précédent.

Le niveau expert

C’est en fait un niveau de joueur moyen. Cette fois, l’ordinateur privilégie la stratégie en essayant de ne pas jouer dans les coins. Les choix du coup se font comme dans le niveau bon camarade, donc l’ordinateur, toujours aussi distrait, peut encore passer à côté d’un coup gagnant possible.

Le niveau maître

Ici l’ordinateur n’est plus du tout distrait. Si d’aventure il peut placer une des 15 combinaison gagnantes, il ne fait pas de quartier ! Sinon, il évite de jouer dans les coins et privilégie les coups obligeant l’adversaire à jouer dans un coin. Un niveau difficile mais intéressant. L’ordinateur est ici un bon joueur.

Le niveau grand maître

Ce niveau fonctionne comme le niveau maître mais l’ordinateur prévoit un coup à l’avance et met l’adversaire en situation de ne pas pouvoir placer un coup gagnant à son tour. Toutefois il ne va pas plus loin. Pour gagner, le joueur doit donc faire en sorte que l’ordinateur finisse par se placer dans une des 14 situations perdantes, en l’obligeant à jouer dans un coin. Bon courage ! Perso, je n’y suis jamais arrivé.

Au tout début j’avais ajouté le niveau “invincible machine infernale“, dans lequel le programme évitait aussi les situations perdantes. Autant dire que les parties pouvaient durer longtemps mais n’étaient pas vraiment satisfaisantes, car la machine était devenue un joueur “parfait” ! La seule satisfaction que l’on pouvait tirer du jeu, à ce niveau, était de tenir le plus longtemps possible contre elle !

Intérêt et limite du site

Un soin particulier a été apporté à la représentation de la rotation et de la symétrie; une petite animation montre les pièces qui tournent ou qui s’inversent. La translation se manifeste par le déplacement du L de l’ordinateur. C’est important pour la représentation mentale. Néanmoins, attention, cela reste une représentation sur écran, donc en deux dimensions.

Ce jeu peut être très facilement réalisé par les élèves eux-mêmes avec un peu de carton fort; c’est l’occasion de faire un peu de géométrie pratique : utiliser la règle, le compas et l’équerre, tracer des lignes et angles droits. À la fin de la réalisation, on ne se contente pas de rendre le travail au maître et d’attendre une note. On y  joue. Ce qui procure la satisfaction de réutiliser le matériel créé par soi-même.

La manipulation du L en carton permet de mieux assimiler la symétrie et la rotation; en effet, la manipulation d’objets réels est une étape nécessaire dans la construction d’une représentation cohérente du monde; le virtuel peut accompagner et permettre d’aller plus loin, il peut même remplacer la manipulation concrète, mais seulement lorsque le cerveau a déjà vécu suffisamment d’expériences réelles dans le domaine.

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